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Revenus exceptionnels et déficit global : la réforme du quotient

Si l’impôt sur le revenu est fondé, notamment, sur le principe d’annualité, le Code général des impôts prévoit (article 163-0 A) un mécanisme spécifique d’imposition des revenus exceptionnels ou différés, communément appelé système du quotient. Ce mécanisme permet de limiter les effets de la progressivité de l’impôt en « lissant » l’imposition des revenus exceptionnels ou différés.

Néanmoins, la question s’était posée de l’application de ce mécanisme en présence, avant revenus exceptionnels, d’un revenu ordinaire déficitaire. Ajoutant à la loi, l’administration fiscale avait adopté une interprétation défavorable au contribuable, que le Conseil d’Etat avait jugée illégale. Mais la loi de finances pour 2022 est venue donner force de loi à l’ancienne interprétation administrative, moins avantageuse.

LES INCERTITUDES SUR LA PRISE EN CONSIDÉRATION DU DÉFICIT GLOBAL

Le système du quotient consiste, après avoir calculé l’impôt sur les revenus ordinaires, à calculer l’impôt correspondant au revenu exceptionnel en ajoutant au revenu ordinaire le quart du revenu exceptionnel, puis en multipliant par quatre le supplément d’impôt ainsi obtenu (le coefficient étant différent s’agissant des revenus différés). Ce résultat est ensuite ajouté à l’impôt sur les revenus ordinaires.

Une incertitude était apparue dans le cas où le contribuable présente un revenu ordinaire déficitaire (déficit global) (notamment en cas d’investissement en monument historique) tout en ayant un revenu exceptionnel.

Alors que l’article 163-0 A du Code général des impôts ne prévoyait pas de modalités spécifiques en cas de déficit global, le BOFIP précisait quant à lui que « lorsque le revenu « ordinaire » est constitué par un déficit, celui-ci s’impute sur le montant du revenu exceptionnel avant l’application du système du quotient » (BOI-IR-LIQ-20-30-20).

Le Conseil d’Etat avait, au contraire, jugé qu’il n’y avait pas lieu de déroger à l’art 163-0 A du CGI : le quart du revenu exceptionnel devait s’ajouter au déficit global pour calculer le supplément d’impôt (CE, 9e et 10e chambres réunies, 28 septembre 2016, n° 284465).

Mais la loi de finances pour 2022 a complété l’article 163-0 A du Code général des impôts par la phrase suivante : « le revenu exceptionnel net s’entend après imputation, le cas échéant, du déficit constaté dans la même catégorie de revenu, du déficit global ou du revenu net global négatif » (Loi 2021-1900 du 30 décembre 2021, article 6).

QUE CHANGE CETTE RÉFORME CONCRÈTEMENT ?

Prenons, en le simplifiant, le cas d’un contribuable disposant d’un déficit ordinaire de 30 000 € et d’un revenu exceptionnel de 100 000 €.

Selon l’ancienne méthode

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart du revenu exceptionnel, soit 25 000 €. 

La somme du quotient et du déficit global est égale à – 5 000 €, donc négative, soit un impôt nul. 

Impôt dû : 0 + (4 x 0) = 0.
Selon la nouvelle méthode 

Pas d’impôt sur les revenus ordinaires puisque le contribuable présente un déficit global. 

Le quotient est égal au quart de la différence entre le revenu exceptionnel et le déficit global, soit 17 500 €. 

Le déficit global n’est plus pris en compte au stade du calcul de l’impôt sur le revenu exceptionnel, ce qui donne donc un impôt sur le quotient de 800, que l’on multiplie par 4. 

Impôt dû : 0 + (4 x 800) = 3200 €.

En présence d’un revenu ordinaire déficitaire, la nouvelle règle est donc moins favorable que l’ancienne. En revanche, si le revenu ordinaire reste positif, elle ne trouvera pas à s’appliquer.

Un investissement en monument historique garde toute sa pertinence en cas de revenu exceptionnel, mais la stratégie devra être adaptée aux nouveaux textes.

Qu’est-ce qu’un revenu exceptionnel ou différé

Est considéré comme exceptionnel un revenu :

  • qui n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement : plus-value de cession, distribution de réserves (en cas d’option pour l’imposition au barème), indemnité de pas-de-porte…
  • et dont le montant dépasse la moyenne des revenus nets soumis à l’impôt au titre des trois dernières années.

Par dérogation, l’article 163-0 A du CGI prévoit que certains revenus sont exceptionnels même si cette seconde condition n’est pas remplie.

Est considéré comme différé le revenu dont le contribuable, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu la disposition au cours d’une année, mais qui, par sa date normale d’échéance, se rapporte à une ou plusieurs années antérieures.

Comment bénéficier du système du quotient ?

Ce système n’est pas automatique, mais est une faculté offerte au contribuable.

L’option doit être mentionnée expressément sur la déclaration n° 2042. Selon les cas, certains renseignements doivent être joints à la déclaration (bénéficiaire au sein du foyer fiscal, nature du revenu…).

Attention, ce mécanisme n’a pas d’incidence sur l’assiette de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), pour laquelle existe un mécanisme de lissage spécifique.

Le certificat de projet : un outil aux bénéfices mesurés

Créé à titre expérimental par l’ordonnance n° 2014-356 du 20 mars 2014 relative à l’expérimentation d’un certificat de projet, puis pérennisé par l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, le certificat de projet codifié aux articles L. 181-5 et suivants du code de l’environnement se distingue du certificat de projet institué à titre expérimental par la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 dont les modalités d’application restent à déterminer. En matière d’autorisation environnementale, le certificat de projet permet au pétitionnaire d’identifier les régimes, procédures et décisions nécessaires pour réaliser son projet, en lui offrant un cadrage en amont du dépôt de la demande d’autorisation environnementale et en réduisant les risques d’irrégularité du dossier, dont le montage s’avère souvent complexe (I). Toutefois, son utilité doit être nuancée eu égard à ses effets, somme toute limités (II).

I. UN CADRAGE EN AMONT CLARIFIANT LA PROCÉDURE DE DEMANDE D’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE

L’identification des régimes applicables

Le porteur d’un projet soumis à autorisation environnementale (certains projets immobiliers de grande importance, parc éolien, etc.) peut déposer une demande de certificat de projet auprès du préfet de département, en amont du dépôt de sa demande d’autorisation environnementale (art. L. 181-5 c. env.
et s.). 

Dans un délai de deux mois1 et en fonction des informations transmises par le pétitionnaire, le préfet établit un document indiquant :

  • les régimes, procédures et décisions relevant de sa compétence, auxquels le projet envisagé est soumis (autorisation de défrichement, DDEP, loi sur l’eau, etc.) ;
  • les principales étapes de l’instruction et la liste des pièces requises pour chacune d’elles, permettant de s’assurer du caractère complet du dossier ;
  • la situation du projet au regard des dispositions relatives à l’archéologie préventive.

De plus, il est loisible au préfet de mentionner les autres régimes, procédures et décisions dont le projet est susceptible de relever ainsi que de transmettre des informations qu’il estime utiles, notamment les éléments de nature juridique ou technique qui pourraient faire obstacle à la réalisation du projet.

La mention obligatoire des délais d’instructions

Outre une vision plus claire des étapes procédurales, le certificat de projet comporte également l’indication des délais d’instruction règlementairement prévus. 

A cet égard, le préfet peut fixer un calendrier d’instruction dérogatoire aux délais règlementaires pour les procédures et décisions identifiées, qui engage l’administration et le pétitionnaire, à condition que ce dernier :

  • contresigne le calendrier d’instruction ;
  • le retourne au préfet dans un délai d’un mois après la notification. 

Toutefois, ces calendriers d’instruction dérogatoires ne semblent que très rarement mis en œuvre, le guichet unique instauré par les ordonnances de 2014 et 2017 ayant généré un engorgement des services instructeurs.

La DRIEE Île de France a ainsi constaté en 2020 que la durée globale d’instruction des procédures n’avait pas diminuée, avec une instruction moyenne de 10 mois et 27 jours pour l’autorisation environnementale d’une ICPE2

 II. LA PORTÉE LIMITÉE DU CERTIFICAT DE PROJET POUR LE PÉTITIONNAIRE

Une cristallisation réservée aux friches

Initialement, le certificat de projet mis en place par l’ordonnance du 20 mars 2014 avait pour effet de cristalliser les règles applicables pendant dix-huit mois à l’instar du certificat d’urbanisme. 

En ce sens, si une demande d’autorisation environnementale était déposée dans les dix-huit mois suivant la notification du certificat, la règlementation applicable à cette demande était celle en vigueur à la date de la délivrance dudit certificat. 

Cet effet cristallisateur ayant été jugé trop complexe à mettre en œuvre3, il n’a pas été repris par l’ordonnance de 2017. Dès lors, une évolution des règles juridiques applicables au projet entre le moment de la délivrance du certificat de projet et celui de la délivrance de l’autorisation environnementale n’est pas à exclure, générant incertitudes et insécurité pour le porteur de projet. 

Toutefois, il est intéressant de relever que la loi « climat et résilience » du 22 août 2021 a prévu à titre expérimental et pour une durée de trois ans, la possibilité pour le porteur d’un projet immobilier intégralement  situé sur une friche, sous certaines conditions, de demander un certificat de projet, avec une cristallisation des règles d’urbanisme applicables 4.

Une responsabilité de l’administration limitée

Le certificat de projet revêtant un caractère indicatif et ne préjugeant pas de la délivrance future de l’autorisation environnementale, les informations qu’il contient ne peuvent être invoquées à l’appui d’un éventuel refus ultérieur d’autorisation environ-nementale

Par ailleurs, si le pétitionnaire n’est pas dépourvu de toute possibilité d’action puisque les informations contenues dans le certificat de projet engagent la responsabilité de l’administration « lorsque leur inexactitude ou la méconnaissance des engagements du calendrier a porté préjudice au bénéficiaire du certificat » (art. L. 181-6 c. env.) ce recours semble également limité puisque ces informations dépendent de celles transmises par le pétitionnaire.

Conseil opérationnel : le caractère complet du certificat de projet étant subordonné aux informations transmises par le pétitionnaire lors de la demande du certificat de projet
(art. L. 181-6 du code de l’env.), il convient de fournir des informations précises et détaillées afin d’optimiser les bénéfices conférés par le certificat de projet.

Quelques précisions

Le délai de deux mois court à compter de l’accusé de réception du dossier complet de la demande. Il peut être prolongé d’un mois par le préfet qui en informe le demandeur et motive cette prolongation.

Cf. la charte d’engagement entre la DRIEE Île-de-France et les bureaux d’études publiée par la DRIEE en septembre 2020 pour instruire plus vite les dossiers de demande d’autorisation environ-nementale.

Rapport ministériel de décembre 2015 sur l’évaluation des expérimentations de simplification en faveur des entreprises dans le domaine environnemental.

Article 212 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite « loi climat et résilience ») pour lequel un décret en Conseil d’État définissant les modalités d’application était initialement prévu en janvier 2022.

Les tiers peuvent-ils contester un certificat de projet ? (non)

Dans une décision du 27 décembre 2018, n° 17BX00034, la CAA de Bordeaux a jugé que les tiers ne disposaient pas d’un intérêt à agir à l’encontre d’un certificat de projet. Eu égard aux effets qu’il produit, les informations qu’il contient n’affectent que le porteur de projet.

Abréviations

CAA : cour administrative d’appel

DDEP : dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées et de leurs habitats

DRIEE: Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie 

ICPE: installation

Expropriation – Impossibilité de renoncer au droit de rétrocession (non acquis)

Dans une décision n° 20-19.351 du 19 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé les modalités de mise en œuvre du droit de rétrocession. Elle a ainsi jugé que l’expropriant ne peut pas, en amont, demander au propriétaire exproprié de renoncer à son droit de rétrocession dans l’hypothèse où l’opération d’expropriation ne serait pas réalisée.
Cette jurisprudence condamne donc avec fermeté la pratique tendant à faire signer à l’exproprié une clause de renonciation à son droit de rétrocession concomitamment au versement des indemnités d’expropriation par acte notarié.

La Cour a donc réaffirmé la protection du droit de rétrocession des expropriés (I.) tout en précisant les modalités dans lesquelles il reste possible d’y renoncer (II.)

I. LA PROTECTION DU DROIT DE RÉTROCESSION 

La définition du droit de rétrocession

L’article L. 421-1 du code de l’expropriation dispose que :

« Si les immeubles expropriés n’ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l’ordonnance d’expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d’utilité publique. »

Cet article permet aux propriétaires expropriés, dans les cas où l’opération d’expropriation ne serait finalement pas réalisée, et ce même après leur indemnisation et leur départ, de se voir rétrocéder leur bien.

La nullité des clauses de renonciation par anticipation

Par un arrêt du 19 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation juge que « l’exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l’ordre public de protection, une fois celui-ci acquis ».

Ainsi le droit de rétrocession relève de l’ordre public et, conformément à la jurisprudence constante en la matière (1), « nul ne peut valablement renoncer à un droit d’ordre public avant qu’il ne soit acquis ».

Dès lors, toute clause qui aurait pour effet de faire renoncer l’exproprié à son droit de rétrocession, alors que celui-ci n’est pas encore né, sera considérée comme nulle.

II. QUAND PEUT-ON RENONCER À SON DROIT DE RÉTROCESSION ? 

Après un délai 5 ans (destination non conforme à la DUP)

La Cour énonce que le droit de rétrocession est acquis « 5 ans après l’ordonnance d’expropriation si les biens n’ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d’utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination ».

Il s’agit du cas où l’exproprié constate, à l’issue de ce délai, que le projet envisagé par la DUP n’a pas été mis en œuvre par l’expropriant, ou bien qu’il a été réalisé dans ce délai mais que la destination des biens expropriés a, depuis, été modifiée et ne correspond plus au projet prévu par la DUP.

L’expropriant ne dispose que de 5 ans pour réaliser un projet conforme à celui déclaré d’utilité publique. Une fois ce délai expiré, l’exproprié peut demander la rétrocession de son bien s’il s’avère que le projet est, en l’état, non conforme à la déclaration d’utilité publique.

La Cour estime alors que son droit de rétrocession est né et qu’il peut ainsi valablement y renoncer à compter de cette date.

Avant l’expiration du délai de 5 ans (incompatibilité avec le projet prévu par la DUP)

La Cour rappelle qu’il existe une seconde hypothèse ouvrant le droit de rétrocession : « avant même l’expiration du délai de 5 ans, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d’utilité publique ».

Le droit de rétrocession est acquis avant l’expiration du délai de 5 ans prévu par la loi dans le cas où le projet serait réalisé dans ce délai mais serait incompatible avec celui ayant justifié la déclaration d’utilité publique. L’exproprié pourrait, alors, dans cette hypothèse être susceptible de faire valoir son droit à rétrocession. Il sera donc également en mesure d’y renoncer. La Cour avait déjà admis cette possibilité et n’effectue ici qu’un rappel. (4)

Si la personne publique décide de mettre en vente le bien exproprié, elle doit informer en priorité l’exproprié de sa décision de vendre, et l’inviter à opter entre l’exercice immédiat du droit de rétrocession ou la renonciation à ce droit.L’exproprié a 2 mois pour faire connaître son acceptation et proposer un prix de vente. S’il n’y a pas d’accord sur le prix de vente, la personne publique doit saisir le juge de l’expropriation.

Quelques précisions

(1) Voir notamment : Civ 2e, 25 mars 1991, n°89-21 ; 3e Civ., 27 octobre 1975, n° 74-11.656  

(2)  Civ. 3e, 26 mars 2014, n° 13-13.670

(3)  Civ. 3e, 18 avril 2019, n° 18-11.414

(4) Civ. 3e, 19 février 1992, n° 90-12.652

Point de vigilance 

Droit de rétrocession et droit au délaissement

Il est constant que l’exercice du droit de délaissement, constituant une réquisition d’achat à l’initiative du propriétaire du bien, ne permet pas au cédant de solliciter la rétrocession de ce bien sur le fondement de l’article L. 421-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, même lorsque le juge de l’expropriation a donné acte aux parties de leur accord sur la fixation du prix et ordonné le transfert de propriété au profit de la collectivité publique. (2)

Par ailleurs, un propriétaire qui a fait usage du droit de délaissement ne pourra bénéficier ensuite de son droit à rétrocession. Il pourra seulement obtenir une indemnisation en cas d’atteinte au droit au respect des biens, notamment lorsque la commune vend ledit bien à un prix nettement supérieur au prix d’achat. (3)

Abréviations

Civ. Chambre civile de la Cour de cassation

DUP Déclaration d’utilité publique